« Dehors, le monde est mauvais. Il existe des centaine de génies du mal, des monstres sanguinaires et autres créatures malfaisantes. Vous entendez les enfants? Ne sortez jamais de l'île. »
« Mais mamie, ce serait chouette de découvrir le monde! »Attachés aux lèvres de leur aïeule, les deux tête blondes la regardait avec toute la curiosité de l'enfance. C'était le garçon qui avait posé la question. La fillette quant à elle lui tenait fermement la main en regardant autour d'elle d'un œil mal assuré. Et si ces mauvaises créatures avaient réussi à se faufiler jusque dans la maison?
« Oh mais tu le pourras! Aussitôt que je te jugerais prêt. Il faut être fort pour survivre au monde extérieur. »
« Mais je suis déjà fort! Papa me dit toujours que je suis costaud pour mon âge. »Il était vrai que du haut de ses neuf ans, Taven passait facilement pour un adolescent fait, musclé par le minage qui occupait ses journée depuis qu'il savait tenir un pioche. Et il était grand comme un homme. À côté, Almira faisait enfant, voir bambin. Pourtant, elle avait sept ans révolus. Loin de s'en formaliser, elle était plutôt contente de voir qu'on la choyait encore. D'autant plus que son grand frère se faisait un devoir de la protéger contre tout, même lorsque lui même était effrayé. Elle prit la main de Taven lorsque leur grand mère les envoya au lit. Comme à chaque fois qu'ils avaient droit à une histoire comme celle-ci, ils dormiraient ensemble. Et c'est main dans la main qu'il trouvèrent le sommeil.
La vie n'avait jamais été facile, chez les Harlan, mais la mort de la grand-mère fut sans doute la période la plus douloureuse de leur histoire. C'était pour eux tout un mur qui s'effondrait. Taven et Almira n'auraient plus d'histoires, leurs parents n'auraient plus de conseils. Leur deuil dura bien deux années pleines, le temps pour Almira de quitter l'enfance et de passer à l'adolescence. Tout se fit très lentement, et pourtant, lorsqu'elle prit conscience de sa croissance, elle avait déjà un corps de femme. On la sépara de son frère, ce qu'elle mit un certain temps à comprendre, et on lui enseigna l'art, la couture, la cuisine et même un peu de danse. Bien sûr, ce n'était pas du niveau de ces hautes familles nobles, mais elle avait au moins appris les usages d'une dame. Curieuse, elle interrogea sa mère, lui demanda de lui enseigner tout ce qu'elle savait. Rapidement limitée, elle se tourna vers son père, qui lui appris à reconnaître de nombreux outils, mais elle se lassa vite de son travail, exigent et salissant. Comme sa grand mère lui avait appris à lire, elle dévora tout ceux qu'elle pouvait trouver. Mais sur une île, pauvre et isolée, elle fit rapidement le tour. Et avant même de s'en rendre compte, elle avait atteint sa majorité.
Si Almira a un peu entendu parler des événements du continent, elle ne s'est jamais vraiment senti concerné par tout ce qu'il s'y passait. Enfin, jusqu'à ce que la rébellion décide de s'installer dans sa ville. Si beaucoup semblait apprécier leurs arrivée, d'autres voyaient cette invasion comme un mauvais signe. Almira n'a jamais su au mettre son allégeance, se sentant beaucoup trop extérieure aux idéaux de l'ordre ou des rebelles.
« Tu es vraiment obligé de les suivre? »Elle regardait son frère préparer un paquetage. Dorénavant, il n'habiterais plus ici. Pour les protéger, elle et ses parents, disait-il.
« Tu les a bien entendu? L'Ordre veut nous prendre notre liberté, et c'est bien la seule chose que l'on a. Alors il est hors de question que je reste les bras croisés. »« Tu ne sais même pas te battre, à quoi tu servira »Taven fit tourner sa pioche dans sa main.
« Je suis fort, et on m'apprendra. »Elle n'en doutait pas un seul instant, mais voir son frère partir la travaillait beaucoup plus que ce qu'elle laissait paraître. Elle s'approcha de lui et posa sa main sur son poignet.
« Emmène moi avec toi. »Cela semblait moins ridicule, lorsqu'elle se l'était dit à elle-même. Après tout, cela lui permettrait de vivre des aventures et surtout d'étancher sa soif de connaissances. Mais son frère éclata de rire.
« Non mais tu t'es vue? Tu n'es qu'une femme, et pas la plus dégourdie, à ce que je sache! »Elle fit la moue, mais il avait raison. Elle ne savait quasiment rien faire d'utile et devenait hystérique chaque fois qu'une bestiole croisait son chemin. Il était pourtant hors de question que son frère le sache.
« Je pourrais recoudre les blessés! »« Ma pauvre sœurette, je suis persuadé que tu t'évanouirais à la première goutte de sang! »Elle croisa les bras en signe de désaccord. Son frère poussa un soupir. Elle savait qu'elle ne pourrait pas le faire changer d'avis. Alors elle le laissa partir.
Si le départ de son frère à particulièrement attristé Almira, cela lui a aussi permit de s'émanciper. Le fait qu'il ne la pensait pas dégourdie lui fit réaliser à quelle point elle était sans expérience réelle. Depuis quatre ans, elle parcours les îles, sans pour autant trouver le courage de partir vraiment. Elle a rencontré de nombreux continentaux, certains rebelles, lui permettant de se faire une opinion plus poussée sur la question. Refusant de se lancer dans une cause qu'elle ne comprend pas, elle a réussi à dégoter un livre parlant de l'Ordre à son époque glorieuse. Si elle hésite encore aujourd'hui, c'est principalement à cause de son frère, qui l'ignore totalement depuis son départ, il y a quatre ans. Son cœur lui dit d'aller le rejoindre, mais cela signifierait aussi d'abandonner ses parents, qui se meurent depuis que Taven les a quitter. C'est lors d'une de ses escapades, où elle se demandait quelle option choisir qu'elle tomba sur cette drôle de pierre, toute blanche et parfaitement arrondie. Sans trop savoir pourquoi, elle le ramena chez elle, et il sert aujourd'hui de décoration dans sa chambre.
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